Money for Nothing

Chiffres de la BCE à fin mars qui démontrent qu’en matière de Quantitative Easing, le vieux continent n’a pas démérité (sarcasme).

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Taux zéro

Ce mercredi 23 mai 2012, l’État allemand a emprunté 5 milliards d’euros sur les marchés financiers jusqu’au 13 juin 2014 – soit pour un peu plus de deux ans. Comme d’habitude, la Deutsche Bundesbank a mis une obligation fédérale (Bundesschatzanweisungen) aux enchères ; elle a reçu pour un peu plus de 7,7 milliards d’offres, a retenu les meilleures offres pour le montant de 5 milliards initialement prévu. Si je vous parle de cette émission, ce n’est pas que le montant emprunté ou la durée de l’emprunt aient quoique ce soit d’inhabituel ; ce n’est pas non plus parce que l’offre de la Deutsche Bundesbank ait été sursouscrite – c’est tout ce qu’il y a de plus commun ; c’est que cette obligation a été émise à un taux de zéro pourcent. Oui, vous avez bien lu : l’État allemand est désormais en mesure, sans le moindre problème, d’emprunter 5 milliards d’euros sur 2 ans sans payer ne serait-ce qu’un centime d’intérêt.

Cette première historique est un symbole : ce mois de mai 2012 est le mois, dans toute l’histoire connue, où les États dont la situation financière est encore à peu près tenable se sont financés aux taux les plus bas jamais observés. Jugez vous-même : à l’heure où j’écris ces lignes [1], le taux des obligations fédérales allemandes à 10 ans vaut un peu plus de 1,408% ; en légère hausse par rapport à leur record historique de 1,376% atteint le 23 mai 2012 ; les Treasury Bonds à 10 ans du gouvernent fédéral des États-Unis se négocient à 1,774% après avoir s’être échangés à un niveau record de 1,6886% dans la journée du 17 mai 2012 ; les OAT à 10 ans de l’État français cotent 2,456% après avoir battu leur record absolu ce matin même à 2,422%. C’est historique, il n’y a pas d’autre mot.

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[1] Vendredi 25 mai 2012 ; taux vers 10 heure (heure de Paris) selon Bloomberg.

L’effet Curley

Quatre fois maire de Boston entre 1914 et 1950, deux fois élu à la Chambre des Représentants des États-Unis et 53ème gouverneur de Massachussetts, l’histoire de James Michael Curley pourrait, au premier abord, être celle du rêve américain ; une histoire comme on en voit plus que dans les films ; l’histoire d’un gamin, fils d’immigrés irlandais originaires du conté de Galway, qui grandi à Roxbury, quartier populaire de Boston et parvient finalement, à force de travail et d’intelligence, à mener une des plus brillantes carrières politiques qui soit.

L’édifiante histoire du Rascal King

Mais, à y regarder de plus près, la vie de Curley c’est aussi celle de The Rascal King [1], le roi des scélérats ou l’irrésistible ascension d’un voyou qui ne reculera devant aucune bassesse pour s’imposer au sein du parti Démocrate, conquérir la mairie de Boston et s’y maintenir 36 années durant. James Michael Curley, l’idole de la communauté irlandaise de Boston, c’est aussi le paroxysme de la collusion politico-mafieuse, la quintessence du clientélisme politique, le règne de la corruption systémique et de la fraude élevée en système qui d’ailleurs l’amènera plusieurs fois à passer par la case prison.

Dès sa plus jeune enfance, le jeune James Michael se lie à la Irish Mob, une des plus anciennes organisations criminelles des États-Unis ; à vrai dire, dès la mort de son père alors qu’il n’avait que dix ans et au grand dam de sa mère, c’est cette mafia irlandaise qui va pour ainsi dire l’élever, le former et en faire un des siens. C’est la Irish Mob qui, en 1910, l’aidera à se lancer en politique à coup d’intimidations, de fraudes électorales et autres faits de corruption. C’est encore elle, son associée de toujours, qu’il servira et dont il se servira tout au long de sa carrière.

Formé à bonne école, Curley sait que le moyen le plus sûr d’asseoir la domination d’une organisation criminelle sur son territoire consiste à s’assurer le soutien de la population locale. La méthode de la Irish Mob ne diffère pas de celle des autres organisations mafieuses : collecter, sous prétexte de « protection », un impôt auprès des commerçants et industriels aisés du quartier et en reverser une partie à la communauté irlandaise de Boston sous forme de dons philanthropiques, de prêts sans intérêts ou de subsides divers et variés. Des triades chinoises à la mafia sicilienne, de Machiavel à nos gouvernements modernes on le sait depuis longtemps : le meilleur moyen jamais inventé pour maintenir une population sous contrôle consiste à la rendre dépendante de subsides publics. Jusque là, rien de bien nouveau.

De fait, ce qui va faire passer le nom de James Michael Curley à la postérité, c’est un perfectionnement du système, une méthode que le maire de Boston va imaginer pour non seulement s’assurer de la fidélité de sa base électorale mais en plus la faire croître irrésistiblement. En effet, dès le début de son ascension politique, le jeune et ambitieux James Michael est confronté à une forte opposition de la communauté anglo-saxonne et protestante qui craignait – à juste titre – que le vote communautaire irlandais finisse par livrer la ville à la Irish Mob. Afin d’asseoir plus sûrement sa position, Curley en conçu une stratégie qui consistait à favoriser systématiquement la population d’immigrés irlandais aux dépens de la vieille élite anglo-saxonne dans le but explicite de faire croître la première et décliner la seconde : c’est l’effet Curley [2].

Pendant plus de trois décennies, à grands coups de politiques de redistribution, de taxes foncières exorbitantes, de rhétorique incendiaire contre les « capitalistes yankee » et autres vexations, Curley va systématiquement chercher à redessiner le corps électoral de la ville en attirant une immigration irlandaise pauvre et en faisant fuir les anglo-saxons ; et il va y parvenir. Dès les années 1930-1940, les grandes familles d’industriels qui avaient fait de Boston un des poumons économiques des États-Unis quittent la ville et emmènent avec elles les emplois des usines, les revenus qu’elles créaient et les impôts qu’elles payaient. La capitale du Massachussetts, minée par le chômage, la corruption et les tensions communautaires s’enfonce alors dans un déclin qui durera plus de trente ans mais James Michael Curley, lui, restera maire jusqu’en 1950.

C'est dans les vieilles marmites...

Le droit de vote des étrangers aux élections municipales, j’y suis en principe favorable. J’estime tout à fait légitime que des gens qui gagnent honnêtement leurs vies et paient des impôts puissent avoir droit de cité quant à l’usage qui est fait de cet argent. Mais je crains que l’empressement de M. Hollande et de ses amis à leur accorder ce droit n’ait rien à voir avec une conviction démocratique ni même avec une quelconque forme de générosité ; au contraire, la manœuvre me rappelle furieusement une tentative de mise en application de l’effet Curley à l’échelle de nos communes.

Entendons nous bien : peu importe que les étrangers en question soient des magrébins musulmans ou des irlandais catholiques ; le fait est que nous avons, en grande partie, affaire à une population immigrée faiblement qualifiées que nous avons exclu du marché du travail à coup de salaire minimum et de charges sociales et qui, grâce à notre « Modèle Social », peuvent vivre de subsides publics. La population à laquelle s’adresse notre gouvernement, c’est celle dont il espère qu’elle aura la reconnaissance du ventre ; celle qui votera pour ses candidats ; celle qui plébiscitera toute proposition visant à lui reverser directement ou indirectement le fruit du travail des autres. Les autres, ceux qui gagnent leurs vies, ceux qui ne confondent pas l’amour qu’ils éprouvent pour leur pays et l’étatolâtrie fanatique des fonctionnaires qui nous dirigent, qu’ils s’en aillent tous !

Donner ce droit aux étrangers, je le veux bien mais pas dans un pays où chaque faction du corps électoral a pris l’habitude de voter pour celui où celle qui saura la corrompre avec l’argent de ses voisins ; pas dans un pays où la prolifération des lois, des taxes et des contraintes administratives interdisent à une part grandissante de nos concitoyens de vivre de leur travail ; pas dans un pays en rupture manifeste du Contrat Social – si tant est qu’une telle chose ait jamais existé – où tous cherchent à faire passer pour la Volonté Générale ce qui n’est, en ultime analyse, que la volonté particulière d’une majorité.

Un pays dans lequel un tel droit pourrait être accordé sans même que cela ne fasse l’objet d’une brève, c’est le genre de pays dans lequel j’aimerai vivre. Un pays dans lequel les citoyens, assemblés sur l’agora de la Cité, décident en commun des dépenses publiques qui doivent être engagées pour l’intérêt de tous et auxquelles ils participeront tous à hauteur de leurs moyens. Un pays au gouvernement « sage et frugal », comme l’écrivait si bien Thomas Jefferson, où chaque homme peut vivre de son travail et mener sa vie comme il l’entend ; un pays où, pour paraphraser Benjamin Constant, l’État se borne à être juste et où nous nous chargeons d’être heureux.

Mais, dans l’état actuel de notre social-démocratie, ce que l’effet Curley nous enseigne c’est qu’au-delà de leur efficacité électorale à court ou moyen terme, de telles politiques ne peuvent avoir que deux conséquences : la ruine économique du pays et l’exacerbation des tensions communautaires. Et, une fois de plus, les premières victimes de cette décision seront précisément celles qu’elle était supposée aider.

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[1] Du titre de sa biographie par Jack Beatty (Da Capo Press, 2000)
[2] Edward L. Glaeser et Andrei Shleifer (Université de Harvard, National Bureau of Economic Research), The Curley Effect: The Economics of Shaping the Electorate .

Apocalypse 2.0, le retour de la vengeance

Souvenez-vous, c’était en 1972. Donnella Meadows, Jorgen Randers et Dennis Meadows, trois analystes du Massachussetts Institute of Technonoly soutenus par le Club de Rome publiaient The Limits to Growth (Halte à la croissance ? en français), probablement l’étude néo-malthusienne la plus célèbre de tous les temps. The Limits to Growth, c’était l’Apocalypse 1.0 : si rien n’était fait pour contrôler la croissance de la population mondiale (3,8 milliards d’individus à l’époque), nous allions bientôt assister a une gigantesque catastrophe économique, écologique et humaine ; les terres cultivables viendraient à manquer, les ressources naturelles seraient épuisées et la pollution rendrait toute vie sur terre pratiquement impossible.

Retour sur Apocalypse 1.0

L’idée clé de The Limits to Growth tient en deux constatations : nous vivons dans un monde fini où la plupart des ressources qui permettent la survie de l’espèce humaine – terres arables, énergies fossiles etc… - existent en quantité limité et, surtout depuis la révolution industrielle, la population humaine ne cesse de s’accroître. Évidemment, l’idée selon laquelle les ressources naturelles à notre disposition sont limitées par la nature ne date pas de 1972 mais ce que le Club de Rome apporte de nouveau dans ses simulations, c’est l’idée d’une croissance exponentielle de notre consommation desdites ressources.

Prenons l’exemple du pétrole : à l’époque où le Club de Rome publie The Limits to Growth, on évaluait les réserves prouvées de pétrole à quelque chose comme 583 milliards de barils et la consommation annuelle tournait à environ 18,8 milliards de barils par an ; de là, en posant l’hypothèse d’une consommation stable de pétrole, on estimait que le stock serait épuisé 31 ans plus tard ; c'est-à-dire en 2003 [1].

Or, nous expliquent les auteurs du rapport, ne serait-ce que parce que la population mondiale augmente, il est tout à fait ridicule d’imaginer que nous puissions nous satisfaire de 18,8 milliards de barils indéfiniment. L’apport du Club de Rome consiste donc à introduire des estimations de croissance de notre consommation dans ses modèles et à en déduire que l’épuisement des réserves aura lieu beaucoup plus tôt que prévu. Typiquement, avec une croissance annuelle de la consommation de 3,9% – hypothèse retenue dans The Limits to Growth – ce n’est pas en 2003 que les puits de pétrole seront à sec mais au bout de 20 ans, soit en 1992.

Il ne vous aura pas échappé que la prédiction ne s’est pas précisément avérée exacte. Mieux encore : non seulement nous n’avons toujours pas pompé cette fameuse dernière goutte de pétrole mais, sur la base des dernières données disponibles [2], il semble qu’avec une hypothèse de consommation constante il nous reste du pétrole pour un peu plus de 43 années. Oui, vous avez bien lu : alors que la population mondiale a augmenté de 83% et que nous avons consommé la bagatelle de 958 milliards de barils depuis 1972, les réserves prouvées actuelles devraient, si nous en restons au même rythme de consommation, nous permettre de tenir non pas 31 ans, comme on le croyait en 1972, mais 43 ans. Le Club de Rome s’est donc magistralement planté ; et pas qu’un peu.

Oh, bien sûr on nous explique depuis que les simulations de The Limits to Growth n’étaient pas des prédictions, que les chiffres donnés dans le rapport n’étaient que des illustrations, que dans le cas du pétrole, les auteurs avaient prévu la possibilité que les réserves se révèlent finalement plus importantes que prévues, que le technologie progresse etc... Dont acte mais il n’en reste pas moins que les résultats des simulations, contrairement à ce qu’on a pu lire ici et là ces quatre dernières décennies, ne collent pas à la réalité observée et qu’il y existe d’excellentes raisons de penser que ce n’est un problème de paramètres ou de scénarios mais quelque chose de beaucoup plus fondamental ; leurs modèles ignorent le principal mécanisme de régulation de nos sociétés : le marché et le mécanisme des prix.

La main invisible a encore frappé…

Le fait est que si les auteurs de The Limits to Growth ont certainement de nombreuses qualités, ils n’en sont pas moins de piètres économistes. À vrai dire, ils ont même totalement évacué le phénomène économique et extrapolent des tendances comme si la rareté n’avait aucune incidence sur la consommation ni la production. Ce que n’importe quel étudiant en première année d’économie sait, et que les auteurs du Club de Rome ont superbement ignoré, c’est que quand une ressource recherchée se fait rare, son prix augmente et que cette augmentation du prix, sans qu’aucune planification centralisée ne soit nécessaire, va déclencher deux types de réactions. Là encore, l’exemple du pétrole est tout à fait symptomatique des failles de des approches malthusiennes en général :

En effet, dès l’année qui suit la publication du rapport, le premier « choc pétrolier » va propulser pour la première fois le baril de brut au-delà des 40 dollars [3] et c’est à ce moment que joue le premier effet : la croissance de notre consommation, presque immédiatement, a ralenti. C’est la première réaction : quand le prix de quelque chose augmente, la consommation baisse ou, du moins, croît moins vite. De fait, cela fait maintenant quatre décennies que nous économisons cette ressource.

Prenez nos voitures par exemple : nous avons complètement changé nos habitudes de consommation pour intégrer cette contrainte de prix. La capacité d’une voiture à consommer peu est désormais un élément déterminant de nos actes d’achat et nous sommes même prêts à investir des montants conséquents dans l’acquisition des technologies les plus économes : moteurs plus performants, carburants plus efficaces, voitures hybrides, dispositifs start and go… La consommation moyenne des voitures vendues en France est passée de 8,55 litres en 1988 à moins de 7 litres actuellement et, pas plus tard qu’en février de cette année. Du coup, là où le Club de Rome tablait sur une augmentation de 3,9% par an, le rythme de progression de notre consommation de pétrole depuis 1972 n’a été que de 1,4% par an – deux fois moins vite que prévu. En quatre décennies, l’économie mondiale a réagit aux chocs pétroliers en organisant gestion de cette ressource rare mieux que n’importe quel organisme de planification.

Mais ce n’est pas tout. Une erreur commune consiste à penser que les réserves prouvées constituent le stock de pétrole disponible sur terre : ce chiffre, personne ne le connait. Par réserves prouvées, il faut entendre la quantité de pétrole qui pourrait raisonnablement être extraite des gisements connus à ce jour si les conditions économiques et techniques restent inchangées. Et voici la deuxième règle : quand le prix d’une ressource augmente, les producteurs ont toutes les incitations du monde à investir dans la recherche de nouvelles sources d’approvisionnement, de nouvelles méthodes d’exploitation ou de ressources alternatives. Et ce, d’autant plus qu’un régime de prix élevé leur en donne les moyens. « À 200 dollars le baril de pétrole, disait un de mes professeurs, on en trouvera sous votre salon. »

Repassez-vous le film des quatre décennies en question : des gisements à bas coût du moyen orient, nous sommes passés aux forages en haute mer, à la prospection en milieu extrêmes, puis aux sables bitumeux canadiens, aux pétroles de schiste et il existe même aujourd’hui quelques projets très sérieux de pétrole de synthèse [4] ! Résultat : en quarante ans, les réserves prouvées mondiales sont passées d’environ 583 milliards de barils en 1972 à plus de 1 383 milliards de barils au dernier pointage – c'est-à-dire qu’elles ont largement plus que doublé en quarante ans.

Et maintenant ? Apocalypse 2.0 !

On aurait, à bon droit, pu penser que les prophètes de l’apocalypse avaient profité de ces quatre décennies pour comprendre leur erreur. Eh bien non : figurez-vous que le Club de Rome a décidé de remettre le couvert pour les quatre décennies qui viennent en publiant ce mois-ci 2052: A Global Forecast for the Next Forty Years. Mêmes causes, mêmes effets : les auteurs n’ont manifestement toujours pas compris qu’ignorer les forces du marché revient tout simplement à raisonner en l’absence d’êtres humains, comme si nous pouvions être comparés à des branches de bois mort porté par le courant. Une fois encore, on verra des mathématiciens aux barbes vénérables nous expliquer ce que signifie une croissance exponentielle et nous rappeler que nous vivons sur le troisième caillou en partant du soleil ; une fois encore les thèses malthusiennes vont faire la une des médias et le cœur du discours politique.

Et dans 40 ans – Ô surprise – on réalisera qu’ils se sont encore une fois trompés.

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[1] Le calcul n’a rien de sorcier ; c’est une simple division : 583 divisés par 18,8.
[2] J’utilise dans cet article les données collectées par BP.
[3] Les prix sont exprimés en dollars actuels – c'est-à-dire qu’ils sont corrigés de l’inflation. Pour information, les deux pics historiques du prix du baril sont de presque 112 dollars actuels en décembre 1979 et de 130 dollars actuels en juin 2008.
[4] Voir, par exemple, le BFS Blue Petroleum.

Sur le même thème, voir aussi cet excellent papier sur Reason.com.

Austérité au royaume des aveugles…

Il ne se passe pas une journée sans que l’on nous parle de « politiques de croissance » opposées aux « politiques d’austérité » et que l’on accuse ces dernières d’êtres responsables de la situation pour le moins tendue dans laquelle se trouvent les économies de notre vénérable continent. Les médias et le discours politique relaient à l’envie l’idée selon laquelle, si l’État réduit la dépense publique, il ne peut en résulter qu’une aggravation de la situation et, qu’au contraire, seul un accroissement desdites dépenses soit de nature à provoquer le retour de la croissance. Pourtant, cette affirmation n’a rien d’une vérité révélée ni d’un axiome économique ; elle repose sur une théorie.

Appelez la « synthèse néoclassique » ou « néokeynésianisme », elle est – pour schématiser grossièrement – la réconciliation des concepts micro-économiques développés par les néoclassiques et des idées macroéconomiques de John Maynard Keynes. C’est cet ensemble de théories, cette vision du monde qui constitue le logiciel de nos politiciens, la grille de lecture qui leur sert de vadémécum, la science économique telle qu’elle est enseignée dans la plupart des universités et telle qu’elle est restituée dans la plupart de vos journaux – l’économie mainstream, la pensée unique, c’est elle et rien d’autre. Croissance ou austérité sont les deux types de politiques économiques qui résultent directement de ce cadre théorique ; c’est l’application du policy-mix.

Le policy-mix néokeynésien

Un petit rappel théorique ne sera pas inutile. Pour Keynes, durant les périodes de récession économique, les entreprises comme les ménages tendent à se montrer exagérément pessimistes (les « esprits animaux »), privilégient l’épargne à la consommation et tendent ainsi à aggraver la situation. Dès lors, il suit que l’État doit intervenir en menant une politique contra-cyclique destinée à relancer la demande et donc la croissance – raison pour laquelle on parle de « politiques de relance ». Dans le cadre du policy-mix, la relance repose sur la combinaison de deux instruments d’intervention :

Le premier c’est la politique budgétaire. Pour relancer la demande, Keynes préconise une augmentation des dépenses de l’État financée par du déficit budgétaire – c'est-à-dire des emprunts. C’est typiquement le New Deal de Roosevelt, le plan Chirac de 1975, celui de Mauroy en 1981 ou, plus proche de nous, ceux d’Obama et de Sarkozy [1]. L’idée de Keynes était qu’un surcroit de dépense publique en phase de récession déclencherait un effet boule de neige, le multiplicateur keynésien : le plan de relance permet aux gens de toucher des revenus qu’ils dépensent à leur tour, créant ainsi de nouveaux revenus et ainsi de suite. En théorie, lorsque la croissance est de retour, l’État bénéficie de rentrées fiscales supplémentaires et en profite pour rembourser les dettes créées lors du plan de relance ; en pratique, dans le cas de la France tout du moins, nous sommes en relance permanente depuis 1975.

Le deuxième outil du policy-mix, c’est la politique monétaire : lorsque la récession frappe, en toute bonne logique keynésienne, il faut encourager la consommation au détriment de l’épargne. Pour ce faire, la banque centrale est priée de faire baisser le niveau des taux d’intérêt en injectant de la monnaie dans l’économie. Le coût du crédit étant moins élevé, les entreprises comme les particuliers se remettent à investir et à consommer et comme par ailleurs la rémunération de l’épargne a baissé, les investisseurs sont moins incités à épargner. Évidemment, la limite de l’exercice c’est l’inflation : les banquiers centraux assouplissent leur politique monétaire pour relancer la croissance tout en surveillant les indices de prix à la consommation pour éviter que la monnaie ne perde trop de sa valeur [2].

Le cadre théorique étant posé, je vous propose un petit détour loin de la cacophonie médiatico-politique, dans le monde froid des faits et des chiffres, qui nous permettra peut-être de déterminer si nos gouvernements européens ont effectivement mis en œuvre des politiques d’austérité ou, au contraire, s’ils se sont conformés strictement aux recettes macroéconomiques keynésiennes.

Rigueur ou pas ?

Pour ce qui est de la politique monétaire, vous m’accorderez que la Banque Centrale Européenne a bel et bien fait baisser le niveau des taux d’intérêts. Son principal taux directeur, le taux « refi », est passé de plus 4% à l’automne 2008 à 1% aujourd’hui et l’injection monétaire massive qui a accompagné ce mouvement a également permit de faire baisser l’ensemble des taux d’intérêt. Par exemple, le taux des obligations d’État notée AAA à 10 ans est passé d’environ 4,3% au début du mois de septembre 2008 à moins de 2,3% en ce moment et on en arrive même à des extrêmes ; malgré la perte de son troisième A, jamais l’État français ne s’était endetté à si bon compte : lors de ses dernières adjudications, l’Agence France Trésor a collecté plus de 3 milliards d’euro à un taux de 2,96% sur 10 ans et a même réussit à placer pour près de 4 milliards de bons du Trésor à 3 mois à un taux de – tenez-vous bien – 0,074%. Du point de vue de la politique monétaire il n’y a donc pas photo : nous sommes bien dans une optique de relance.

Évidemment, lorsque l’on parle d’austérité, c’est plutôt à la politique budgétaire que l’on pense. Il y a donc trois possibilités : soit les États de l’Union Européenne ont effectivement réagit à cette crise en réduisant le niveau de leurs dépenses et de leurs déficits – auquel cas il s’agit bien de politiques d’austérité –, soit nous avons assisté à des réactions très différentes d’un pays à l’autre et il faut donc juger au cas par cas, soit le niveau des dépenses publiques et des déficits budgétaires ont augmenté – auquel cas la politique mise en œuvre est précisément celle qu’aurait sans doute préconisé Keynes de son vivant.

Commençons par la dépense publique et comparons, pour chaque pays, son niveau moyen entre la période d’avant crise (2004-2007) et la période de crise (2008-2011) : sur la base des données d’Eurostat, il n’y a, au sein de l’Union Européenne, pas un seul pays qui ait réduit son niveau de dépense publique. Pas un seul. Mieux encore : seuls le Royaume-Uni (qui parvient à la maintenir à un niveau relativement stable aux environs de 840 milliards d’euros par an), la Hongrie et la Suède affichent des dépenses publiques qui progressent de moins de 10%. Les 24 autres membres de l’Union, ont augmenté massivement leurs dépenses : plus 15% en France, 16% au Portugal, 25% en Grèce, 28% en Espagne et 42% en Irlande [3]. À l’échelle de l’UE, les dépenses publiques progressent de 14% entre les deux périodes et passent de 46,4% du PIB à 49,5%. Le seul pays européen à avoir mis en œuvre une politique qui puisse s’assimiler à de l’austérité, c’est l’Islande qui réduit sa dépense publique de 10%.

Même opération pour les déficits : comparons le déficit budgétaire annuel moyen des pays de l’Union avant la crise (2004-2007) à celui des quatre dernières années (2008-2011). Toujours sur la base des données d’Eurostat, il n’y a, dans toute l’Union, qu’un seul pays qui ait réduit son déficit : c’est la Hongrie (d’environ 6,5 milliards d’euros par an à un peu moins de 2 milliards). Les 26 autres pays, sans aucune autre exception, sont passés de budgets excédentaires à des déficits ou ont augmenté les déficits déjà existants. En Espagne, on est passé d’un surplus de 13,5 milliards à un trou de près de 89 milliards ; en France et en Grèce, le déficit annuel des finances publiques a pratiquement doublé ; à l’échelle de l’Union, on passe d’un déficit moyen de 217 milliards par an à pratiquement 619 milliards ; de 2% du PIB à 5,1%.

Au royaume des aveugles…

Existe t’il quelqu’un de sensé qui pourrait m’expliquer en quoi, exactement, les pays européens seraient victimes des conséquences de politiques d’austérité qui n’ont jamais été mises en œuvre ? Pourrait-on m’expliquer comment il est possible de qualifier la politique de Nicolas Sarkozy de politique d’austérité ou de rigueur alors que ce même Nicolas Sarkozy, sur la durée de son mandat, a augmenté la dépense publique de 52,6% du PIB en 2007 à 56% en 2011, a fait creusé notre déficit annuel (au sens de Maastricht) de 2,7% du PIB à 5,2%, a fait exploser notre dette publique (au sens de Maastricht) de 64,2% du PIB à 86% et nous a gratifié d’un plan de relance de 34 milliards d’euros en 2009/10 (soit environ 1,8% du PIB – proportionnellement plus que celui de Pierre Mauroy en 1981) ?

Sommes-nous devenus aveugles au point de ne pas voir que c’est précisément parce que nous avons, une fois de plus, appliqué les recettes des apprentis sorciers keynésiens que nos économies s’enfoncent dans ce marasme ? Voilà 37 années consécutives que les gouvernements de ce pays, de gauche comme de droite, nous appliquent les mêmes remèdes ; 37 années d’échecs, de chômage, de pouvoir d’achat en berne et nous en redemandons ? Mais enfin, que faut-il pour que ces imbécilités cessent ? Allons-nous vraiment devoir en passer par la planche à billet, le blocage des prix et le protectionnisme ? Faut-il vraiment que nous reproduisions les mêmes erreurs ? Combien de misères cette humanité devra t’elle encore supporter avant que nous comprenions enfin qu’une économie n’est pas une somme de grands agrégats abstraits, qu’une économie ne se planifie pas, qu’elle ne se pilote pas et toute tentative en ce sens n’aboutira jamais à rien d’autre qu’une catastrophe ?

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[1] Bien avant Keynes, des politiques similaires avaient été mises en œuvre comme par exemple par Charles Alexandre de Calonne, Contrôleur général des finances de Louis XVI de 1783 à 1787.
[2] C’est en ce sens que le policy-mix intègre l’apport du courant monétariste de Milton Friedman (la théorie quantitative de la monnaie).
[3] Ou 30% si l’on exclue l’année 2010 qui est, il est vrai, exceptionnelle.

Euro fort

La valeur de l’euro a augmenté de 1,1789 dollar américains lors de sa mise en circulation le 4 janvier 1999 à 1,3025 dollar à l’heure où j’écris ses lignes ; soit d’environ 10,5% en un peu plus de treize ans. De cette constatation, de nombreux observateurs déduisent que l’euro est cher – trop cher – et que nous devons cela à la politique de notre Banque Centrale Européenne ; une politique inspirée par ses ascendances teutonnes ; une politique dite de l’euro fort. Seulement voilà : la réalité est un peu plus complexe que cela.

Pour reprendre l’exemple cité ci-dessus, j’aurais tout à fait pu vous signaler que la valeur du dollar américain a baissé de 84,8 centimes d’euros au 4 janvier 1999 à 76,8 centimes aujourd’hui. C’est strictement équivalent. Mais de ma première formulation, vous avez déduit que c’est la valeur de l’euro qui a monté tandis que la seconde laisse supposer que c’est la valeur du dollar qui avait baissé. En réalité, vous n’en savez rien et moi non plus. Ces chiffres peuvent signifier que la valeur de ces deux monnaies a augmenté mais que l’euro s’est apprécié plus vite ou, tout au contraire, que leurs valeurs respectives ont baissé, la perte de valeur du dollar étant la plus prononcée.

Mais reprenons encore cette même phrase en changeant de dollar : « La valeur de l’euro s’est effondrée de 1,91 dollar australien lors de sa mise en circulation le 4 janvier 1999 à 1,283 dollar à l’heure où j’écris ses lignes ; soit d’environ 32,8% en un peu plus de treize ans. » Surprise ! Nous passons d’une démonstration de la « force » de l’euro à la démonstration du contraire en changeant simplement de point de comparaison. Vous pouvez faire le test en utilisant d’autres devises : à chaque fois, vous obtiendrez un résultat différent.

On m’objectera, bien sûr, que le dollar américain est une « monnaie de référence ». C’est tout à fait vrai mais ce n’est, depuis la chute du système de Bretton Woods qui cherchait à fixer le cours de toutes les devises par rapport aux billets verts de l’oncle Sam, qu’une convention. Par ailleurs, les petites expériences menées par la Federal Reserve ces dernières années ont nettement écorné la réputation desdits billets verts et – justement à cause de sa bonne tenue – ont amené beaucoup de nos contemporains à préférer nos euros. Dans un monde de changes flottants, c'est-à-dire dans un monde où la valeur relative de chaque monnaie par rapport aux autres évolue en fonction de l’offre et la demande, vous n’avez dès lors aucune raison objective de privilégier la monnaie étasunienne plutôt qu’une autre.

S’il est impossible de dire, dans l’absolu, de combien la valeur de l’euro a monté ou baissé, il est possible de s’en donner une idée en comparant l’évolution de la monnaie unique non pas par rapport à une monnaie mais par rapport à un panier de devises. La méthode est assez simple : elle consiste à imaginer que vous ayez échangé dix euros du 4 janvier 1999 contre dix monnaies différentes et à observer l’évolution de la valeur de petit portefeuille dans le temps.

Par exemple, avec 10 euros du 4 janvier 1999 vous pouviez acheter 1,1789 dollar américain, 1,91 dollar australien, 1,8 dollar canadien, 2,22 dollars néo-zélandais, 133,73 yens, 7,45 couronnes danoises, 9,47 couronnes suédoises, 8,86 couronnes norvégiennes, 71,1 pences britanniques et 1,62 franc suisse. Or, un peu plus de treize années plus tard, ce panier [1] de devises ne vaut plus 10 euros mais 11,88 euros ; c'est-à-dire qu’en détenant ces monnaies étrangères plutôt que la monnaie unique, vous auriez gagné 18,8% ; ou encore qu’un euro du 4 janvier 1999, comparé à ce panier, ne vaut plus aujourd’hui que 84 centimes – une baisse de près de 16% [2].

Dès lors, à moins de supposer que l’euro était encore plus surévalué lors de son lancement, qu’est-ce qui vous permet d’affirmer que nous souffrons d’une politique de l’euro fort ?

Rien. Absolument rien. La valeur de l’euro, exprimée par rapport à d’autres devises, par rapport aux biens et services que nous consommons ou par rapport à un métal précieux de votre choix, est déterminée par les marchés ; c’est-à-dire par les interactions des millions d’individus disposant chacun d’une partie de la gigantesque masse d’information qui sert de base aux prix. Le déficit de notre balance commerciale dites-vous ? Et l’excédant allemand ? Le taux de chômage en France relancez-vous ? Et pourquoi pas en Autriche ou au Pays-Bas ?

Mais si vous êtes réellement capable de dire avec certitude que le marché se trompe et que l’euro est surévalué par rapport au dollar américain, laissez moi vous donner un conseil : courrez voir votre banquier, empruntez autant d’euros que vous le pouvez et échangez-les contre des dollars : lorsque la suite des évènements prouvera que vous aviez raison, vous deviendrez riche [3].

Mais méfiez-vous tout de même, je vous livre ici un des petits secrets des traders, une vieille règle fondée sur des décennies d’expérience et quelques faillites retentissantes : il y a toujours quelqu’un qui en sait plus que vous.

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[1] Les plus joueurs d’entre vous peuvent facilement constituer leurs propres paniers avec les données de la BCE.
[2] L’histoire n’est pas linéaire. La valeur de mon euro synthétique baisse de 1 le 4 janvier 1999 à 0,82 en octobre 2000 avant de remonter à 1,08 fin 2008 et de rebaisser jusqu’à 0,84 au dernier pointage le 8 mai 2012.
[3] Modulo la tranche d’imposition à 75%.

The Structural Signature? Just look closer...

Mr Krugman argues that current U.S. unemployment as nothing to do with a structural misallocation of jobs that is being corrected by the market (“The Structural Signature”, May 8, 2012). Indeed, as any keynesian, Mr Krugman believes that the current recession was caused by a general slump in demand which itself is a consequence of U.S. consumers being too pessimistic.

As Mr Krugman rightly suggests, the structural theory implies that if “we had too many workers in the wrong industries, […] we have to expect a depressed level of overall employment as workers are moved out of these ‘bloated’ sectors.”

Using employment data from the BLS, Mr Krugman shows that change in total employment in construction, manufacturing and services between 2007 and 2011 is about the same (losses of over 2 million jobs). Thus, Mr Krugman concludes that “the signature of a structural problem just isn’t there” and asks us to trust him as “a closer look doesn’t do much better.”

Oh really? Well let’s give a closer look anyway.

First, maybe Mr Krugman didn’t noticed that the sizes, in terms of total employment, of the “construction”, “manufacturing” and “services” sectors are hardly comparable. In 2007, the construction sector employed 7.6 million people in the U.S. – that is 5.5% of total employment. The same year, the manufacturing sector and the service sectors (which is a group of sectors in BLS statistics) were providing 10.1% and 83.8% of all U.S. jobs respectively. In other words, employment in the service sector has been reduced by 2%; employment in the manufacturing sector fell by 15% and employment in the construction sector dropped by a eye-popping 28%.

Second, job losses in the manufacturing sector are nothing new. As a proportion of total U.S. employment, manufacturing is losing ground since – at least the 1960’s. In fact, once corrected by the change in overall U.S. employment, the decline in manufacturing jobs between 2007 and 2011 is just in line with a four decades-hold trend. This simply is a consequence of improving productivity and outsourcing of non-core activities such as cleaning services or workplace restaurants.

Now let’s be more specific.

The structural theory – or let’s rather say the Austrian Business Cycle Theory – says that the combination of loose monetary policy from the Fed and so-called “affordable housing” policies from the U.S. government have created a housing bubble and massive misallocation of resources in the real-estate sector. If this is correct, we should indeed expect that more jobs have been destroyed in the construction sector, in proportion of the total number of person employed, that in the rest of the U.S. economy.

Here are the figures, from the same BLS statistics set:

% Chg (2007-2001)
Total employment-4.5%
Construction-27.9%
Manufacturing-15.5%
Information-12.3%
Financial Activities-7.5%
Trade Transportation & Utilities-6.0%
Professional & Business-3.4%
Other Services-2.8%
Leisure & Hospitality-0.8%
Mining & Logging+8.3%
Education& Health+8.5%

As Mr Krugman says, “that doesn’t settle the case entirely” but maybe this will help him to see the “signature”.

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Addendum

Maybe Mr. Krugman should also have checked employment statistics in Ireland (see Employment and Unemployment from the Irish Central Statistics Office).

Between April-June 2007 and April-June 2011, the Irish economy has lost 292,600 jobs. Since labor force has been reduced by 91,100 (many Irish have emigrated, others have just stopped looking for a job), unemployment grew by 201,400 over the period.

In the construction sector alone, 164,200 jobs have disappeared; that is 82% of unemployment growth and 61% of the workforce employed in that specific sector in April-June 2007.

According to the same statistics, with more than 42 thousand jobs created (+18.6%) between April-June 2005 and April-June 2007, the construction sector has been the main job creator in the Irish economy both in absolute and relative terms. As a result, in April-June 2007, almost 13% (!) of the Irish employed workforce was working in that single sector.

Does it looks like a “structural signature” enough?

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Re-addendum

Same conclusion in Spain. According to the Instituto Nacional de Estadística, over the 2.2 million jobs were lost between 2008 and 2011 of which 1.1 million in the construction sector alone. Over the period, employment in the construction sector dropped by more than 43%. In 2008, 15.8% of Spanish employments were provided by this single sector.

#ShowMeTheNumbers

Paul Krugman, grand keynésien en chef, nous explique que les malheurs de l’Europe viennent des horribles politiques de rigueur. Paul Krugman est-il capable de nous fournir des chiffres qui démontrent que de telles politiques ont effectivement été mises en œuvre ?

Rejoignez le mouvement « Show me the numbers! » (#ShowMeTheNumbers, #AusterityGate) sur Twitter, sur Facebook, partout !

Nous, on les a les chiffres…

Ils ne sont pas tous enfermés...

On s'en doutait ; maintenant c'est une certitude...

Guest Post : L'honneur est à Londres

Par Yul Witkin

François Hollande est notoirement incompétent et entouré de traîtres. En 1940 une chambre socialiste donnait les pleins pouvoirs à Pétain ainsi qu’à une clique d'infâmes également socialistes (Laval, Déat...). En 1981 les socialistes remportaient les élections suite à une campagne horrible où les media déjà à gauche toute avaient usé du mépris et de la calomnie (l'affaire des diamants de Bokassa, fausse) afin d'élire un ancien de Vichy qui finira par placer sur écoute ses opposants comme ses amis. Même si la droite dans ces différentes périodes ne valait guère mieux, c'est le refus des réalités, notamment géopolitiques et économiques, qui ont triomphé. Un lâche soulagement.

La réélection de Sarkozy aurait permis à la gauche de rester unie 5 ans de plus grâce au moteur de la haine, assise sur ses rentes. Maintenant qu'elle ne peut plus haïr Sarkozy elle va compenser en haïssant encore plus le reste du monde, la finance etc... son penchant totalitaire et manichéen n’a fait que s’exacerber tandis qu’elle s’embourgeoisait et se livrait au détournement de fonds publics, comme si elle devenait en quelque sorte bipolaire, bien servie par une masse d’aigris à la fois mièvres et cyniques, peureux et intolérants, hantés par l’apocalypse, avides de subventions et d’emplois sans effort ni responsabilités, malgré tout convaincus de servir le Bien, auxquels le relativisme radical a fait perdre tout repère individuel et dont on ne sait s’ils sont naïfs ou pratiquent la double pensée.

Elle aura tous les pouvoirs et l'on assistera au spectacle consternant de ses déchirures autour du gâteau, ainsi que des affaires plus ou moins étouffées inévitables quand le clientélisme est la norme ; en sachant que Hollande sera amené par Bercy et nos partenaires européens à prendre des décisions qui sans doute, feront avaler leur carte à pas mal de ses militants actuels. C’est une tradition dans le socialisme français que de sabrer le champagne entre cocus. Dans moins d'un an tout le monde cherchera à l'abattre, ce président normal, d'autant plus que les media qui l'ont porté ne sont pas vraiment des gens honorables ou fidèles.

La gauche déjà très radicalisée va se raidir encore plus, et l'UMP, qui se sera trouvé un nouveau chef, éventuellement allié au FN rebaptisé, se radicalisera également puisqu'il est violemment anti-libéral comme le reste de cette république social-démocrate condamnée. Le résultat, ce sera probablement la situation grecque actuelle, avec des émeutes dans un climat de faillite, et les extrêmes surreprésentés au parlement. Dans ce naufrage, l'honneur et l'espoir de la France sont à Londres, comme il y a 70 ans, sous la forme de centaines de milliers de jeunes français exilés. A Bruxelles aussi, et par-delà les océans en Australie, à Hong Kong, au Canada…

Car c’est l’intelligence et l’ambition que l’on chasse, et ce sont cette intelligence et cette ambition qui continueront sur tous les continents de porter le flambeau de la civilisation française que tentent d’éteindre les socialistes. La force des expatriés et celle de ceux qui, sur le territoire national, sans avoir le courage de partir, ont celui de subir les injures de leurs concitoyens. La compréhension des choses et la bonne tenue morale sont l’œuvre vive, le socle que le socialisme n’a jamais eu, ce qui le condamne au bout du compte à la défaite au lendemain de chacun de ses succès malhonnêtes, comme l’Histoire l’a prouvé et le prouvera encore. C’est pour cela que nous ne devons pas désespérer : la réalité comme le vaste monde sont nos alliés, les plus implacables qui soient ! L’espace et la longueur de temps ne sont rien.

Les économistes en campagne

Le 17 avril 2012, les premiers à ouvrir le bal sont les 42 économistes qui, dans les colonnes du Monde, déclarent publiquement leur soutient à François Hollande [1]. Deux jours plus tard, dans Libération, 34 autres économistes signent à leur tour un communiqué dans lequel ils s’engagent pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon [2]. On attendra en vain les économistes de Marine le Pen. Le 2 mai, alors que l’équipe de soutient du Front de Gauche, entre temps gonflée de 19 nouveaux membres, appelle à « battre Sarkozy » dans le Monde [3], c’est au tour des 19 économistes du président sortant de se fendre d’une tribune dans la colonne d’à coté [4].

Bilan des arguments : il faut que l’État ceci, il faut que l’État cela, socialisme de gauche contre étatisme de droite ; d’une manière générale, mon candidat est bien meilleur que les autres ; c’est prouvé scientifiquement.

Et voilà qu’à deux jours du deuxième et dernier tour de cette palpitante élection, 21 autres économistes signent à leur tour un appel dans lequel ils dénoncent le socialisme « des étatistes de droite » qui ont, selon eux, succédé « aux étatistes de gauche » et appellent du bout des lèvres à privilégier la moins pire des solutions – en l’espèce, Nicolas Sarkozy.

Vous l’aurez peut être compris, ces économistes là sont les premiers économistes libéraux à s’exprimer dans ce débat – en France du moins. En l’absence de candidat libéral dans cette élection présidentielle, ils font le choix d’appeler à voter contre celui qui leur semble le plus antilibéral : position tout à fait honorable, vous me l’accorderez.

Mais notez bien la différence : cet appel là n’aura pas eu droit aux faveurs du Monde, ni même à celles du Figaro et encore moins à celles de Libération. Cet appel, il vous faudra aller le lire dans le Wall Street Journal [5]. Pensée unique, quand tu nous tiens…

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[1] Le Monde, Nous, économistes, soutenons Hollande (17 avril 2012)
[2] Libération, Nous, économistes, soutenons Mélenchon (19 avril 2012)
[3] Le Monde, Battre Sarkozy et briser la spirale austérité-récession (2 mai 2012)
[4] Le Monde, Économistes, sans parti pris idéologique, nous soutenons Sarkozy (2 mai 2012)
[5] Wall Street Journal, The Problem With Hollande (4 mai 2012) ; en version française sur libres.org.

1984

“It is obvious that the period of free capitalism is coming to an end and that one country after another is adopting a centralized economy that one can call Socialism or state capitalism according as one prefers. With that the economic liberty of the individual, and to a great extent his liberty to do what he likes, to choose his own work, to move to and fro across the surface of the earth, comes to an end. Now, till recently the implications of this were not foreseen. It was never fully realized that the disappearance of economic liberty would have any effect on intellectual liberty. Socialism was usually thought of as a sort of moralized liberalism. The state would take charge of your economic life and set you free from the fear of poverty, unemployment and so forth, but it would have no need to interfere with your private intellectual life. Art could flourish just as it had done in the liberal-capitalist age, only a little more so, because the artist would not any longer be under economic compulsions.

“Now, on the existing evidence, one must admit that these ideas have been falsified. Totalitarianism has abolished freedom of thought to an extent unheard of in any previous age. And it is important to realize that its control of thought is not only negative, but positive. It not only forbids you to express — even to think — certain thoughts, but it dictates what you shall think, it creates an ideology for you, it tries to govern your emotional life as well as setting up a code of conduct. And as far as possible it isolates you from the outside world, it shuts you up in an artificial universe in which you have no standards of comparison. The totalitarian state tries, at any rate, to control the thoughts and emotions of its subjects at least as completely as it controls their actions.”

-- George Orwell, Literature and Totalitarianism (19 juin 1941).

Dans le jukebox...

Dans le jukebox, je vous propose les Flaming Lips et le très déprimant Powerless qui convient parfaitement bien à l’ambiance de cette élection présidentielle.

On rappellera, comme toujours, que ce morceau comme l’album dont il est extrait (Embryonic, 2009) est le résultat d’une initiative privée et que son succès n’a pas été décidé par un haut commissaire à la culture mais par les millions d’amateurs de musique qui ont accepté librement d’échanger le fruit de leur travail contre celui des Flaming Lips.

Précédemment, dans le jukebox...

Un aller simple pour ailleurs

Les français votent avec leurs pieds

Alors que les candidats rivalisent de clientélisme politique et de démagogie sécuritaire pour mieux draguer électeurs médians et votes contestataires, il est un phénomène qui se développe parallèlement et dans l’indifférence générale : les français votent avec leurs pieds.

Le chiffre que personne ne veut connaitre

Il faut dire que le nombre de nos concitoyens qui ont décidé d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs, c’est le chiffre dont personne ne veut entendre parler. Officiellement, il n’y a pas d’émigration française ; on ne quitte pas le plus beau pays du monde et son modèle social que le monde nous envie ; il y a tout au plus quelques « expatriés » – doux euphémisme – qui n’ont quitté notre pays de cocagne que de manière très temporaire, juste le temps de voyager un peu et d’améliorer leur anglais. Qu’on se le dise : l’émigration est un phénomène qui ne touche que les pays à la dérive ; nous n’avons donc aucune source exhaustive qui nous permette de connaître avec précision l’ampleur du phénomène. Seule indication à peu près officielle : la liste des expatriés qui ont fait les démarches nécessaires pour être inscrits au registre des français établis hors de France.

Or, sur la base de cette liste consulaire, il semble qu’après avoir été relativement casaniers de 1984 à 1991, les français aient soudain été pris d’une formidable envie de changer de pâturage. De 1991 à 2002, ce sont ainsi plus de 25 000 de nos compatriotes qui quittaient la mère-partie chaque année et, de 2002 à 2011, il semble que le phénomène ce soit nettement accéléré : ce sont près de 55 000 français qui décidaient d’aller vivre sous d’autres cieux tous les ans. Au 31 décembre 2011, le ministère des affaires étrangères dénombrait ainsi 1,6 millions de nos compatriotes inscrits au registre officiel ; en 20 ans ce chiffre a quasiment doublé.

Et encore, ce ne sont là que les inscriptions au registre officiel ; lesquelles se trouvent être facultatives et souvent jugées trop contraignantes par bon nombre des expatriés. En réalité, ce ne serait pas 1,6 millions de français qui vivent désormais loin du pays qui les a vu naitre mais probablement plus de 2,3 millions. À titre d’exemple, là où les listes consulaires recensent 123 306 français au Royaume Uni, la Maison des Français à l’Étranger parle de 250 000 expatriés outre-manche et des estimations non-officielles n’hésitent pas à avancer des chiffres compris entre 300 000 et 400 000 froggies vivant au royaume de Sa Majesté. En 2007, Nicolas Sarkozy s’amusait de ce que Londres était la sixième plus grande ville de France ; il se pourrait bien qu’elle soit désormais la quatrième.

Et il semble bien que ce ne soit pas fini. Un sondage de BVA publié mi-mars [1] révèle que plus d’un de nos compatriotes sur cinq rêve de s’expatrier et que cette proportion atteint même 28% chez les moins de 35 ans.

Qu’ils s’en aillent tous !

Bien sûr, de Nicolas Sarkozy qui envisage de lancer le fisc à leurs trousses à François Hollande qui déclare si volontiers qu’il ne les aime pas, notre classe politique pense immédiatement aux coupables habituels : les riches, les exilés fiscaux. Évidemment, lorsque les gérants de fortune et autres agents immobilier vaudois se frottent ostensiblement les mains à l’idée d’une victoire du candidat socialiste et que Boris Jonhson, le maire de Londres, déclare aux banquiers français que « si votre propre président ne veut pas des emplois, des opportunités et de la croissance économique que vous générez, nous en voulons », on a vite fait d’imaginer que l’expatriation n’est qu’un phénomène qui ne concerne que les plus fortunés d’entre nous.

Mais c’est une erreur : le Royaume-Uni, malgré sa tranche supérieure de l’impôt sur le revenu de 50%, attire massivement et de plus en plus nos compatriotes ; l’exil fiscal n’est qu’une des causes du phénomène. Durant l’été 2010, le ministère des affaires étrangères avait commandé une étude [2] sur la population des français expatriés. Le profil-type qui en ressortait était pour le moins éloigné de l’image caricaturale du riche oisif qu’aiment à véhiculer les Jean-Luc Mélenchon et autres Marine le Pen : très diplômés (74% de bac+3 et plus) et exerçant une activité professionnelle pour 77% d’entre eux (contre 66,3% dans l'hexagone), nos compatriotes expatriés sont avant tout des travailleurs ; du médecin au pâtissier, du trader au professeur d’université, du chef d’entreprise au sommelier.

Très clairement, nos compatriotes s’expatrient pour trouver du travail et, si possible, mieux rémunéré qu’en France. Tel chirurgien, outré par les méthodes de recrutement de la fonction publique hospitalière, a fait le choix de s’installer à Londres et cherche aujourd’hui à obtenir la nationalité britannique. Tel jeune boulanger qui, après avoir commencé tout en bas de l’échelle, a pu créer son entreprise à Hong Kong et gagne, après deux ans d’activité, plus qu’il n’aurait jamais pu l’espérer en France. Telle économiste, désespérée par l’absence d’ambitions et de moyens de la recherche française, s’est expatriée aux États-Unis où elle a rejoint une des plus prestigieuses universités au monde. La triste réalité, c’est que ceux qui nous quittent sont massivement des professionnels talentueux, des employeurs potentiels et des créateurs de richesses. C’est à une fuite des cerveaux que nous assistons ; Jean-Luc Mélenchon doit être ravi : effectivement, ils s’en vont tous.

À voté !

Et du travail, de meilleurs salaires, une société plus optimiste et moins sclérosée, si l’on en croit les résultats de l’enquête réalisée dans le cadre de la 4ème convention Mondissimo [3], ils en trouvent. Expatriés dans les « enfers ultralibéraux » (sarcasme) que sont la Suisse, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Australie ou Hong Kong, nos compatriotes déclarent à 97% être satisfaits de leur vie hors de nos frontières. Interrogés sur leur date de retour en France, 23% d’entre eux ne souhaitent pas de revenir avant l’âge de la retraite et 36% n’envisagent tout simplement pas de rentrer au bercail. Il va falloir se résoudre à revoir notre vocabulaire : ce ne sont plus des expatriés mais bel et bien des émigrés.

Au pays du déni [4], drapés dans notre légendaire arrogance, nous continuons contre vents et marrées à croire que le monde entier rêve de notre « modèle » et n’a d’autre espoir que de venir se placer sous la bienveillante protection de notre sacro-saint État. Nous pensons, encore et toujours, avoir raison contre tous et malgré l’évidence : toute démonstration du contraire n’est que propagande. Nous nous plaignons d’être envahis par une immigration non-désirée sans voir qu’entre un immigré sans aucune qualification qui ne rêve que d’aides sociales et son compatriote docteur en microbiologie, seul le premier viendra chez s’installer chez nous ; le second, comme les meilleurs de nos jeunes diplômés, comme nos chefs d’entreprises, nos cadres, nos médecins, nos chercheurs et nos artisans les plus doués ira créer des richesses ailleurs.

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[1] BVA, Vivre en France ou partir vivre à l’étranger ? (sondage réalisé pour 20 minutes et publié le 14 mars 2012).
[2] Maison des Français de l’Étranger pour le ministère des affaires étrangères, Enquête sur l’expatriation des Français en 2010.
[3] Expatriés, votre vie nous intéresse ! (vague 9), enquête réalisée dans le cadre de la 4ème convention Mondissimo de la mobilité internationale et du commerce international.
[4] The Economist, A country in denial (le 31 mars 2012).

Votre mot de passe

On ne va pas épiloguer pendant 150 ans, vous avez besoin : De mots de passe très forts (à partir de 128 bits), un par site (sauf, éventuel...